La genèse des valeurs

Les avancées de la science contemporaine relatives aux principes d’auto-organisation de la matière, de l’énergie et de l’information ont permis de donner de la chair au concept de Volonté de Schopenhauer. Cette force qui se confond avec le principe de néguentropie constitue certainement le terme le plus à même de caractériser le phénomène qui a rendu possible la conscience et l’intelligence. Le processus d’informations auto-organisées et stockées de façon cumulative dans les gènes s’est vu compléter par un mécanisme également incrémental et aujourd’hui redoutablement plus créatif et performant : l’activité cognitive humaine. Le comportement des primates humains demeure pourtant émaillé de tensions violentes et erratiques  impulsées par des appétitions ou des aversions sous-jacentes. Une forme d’agonisme indépassable où s’oppose l’archaïsme de passions à la force de la Raison n’en finit pas de tourmenter les sociétés humaines. De cet antagonisme symbiotique s’expriment des comportements qui s’obstinent à démentir l’Universalisme abstrait forgé par l’idéal des Lumières. Modelée par l’éducation et la socialisation, la conscience humaine structurée par des systèmes de valeurs véridictionnels engendre aussi bien l’expression de pulsions que des jugements sur le bon, le beau, le bien et le mal. Des valeurs divergentes exacerbent différentes formes de concurrence,  notamment identitaire ou économique, qui font perdurer les dissensions entre les classes sociales, les groupes, les communautés et les nations. Le leitmotiv qui parcourt les différents chapitres de cet essai exprime la nécessité de la connaissance intime des pulsions archaïques dont l’intellect ne parvient pas à se déprendre. Forgée par un processus évolutif naturel, la sphère noétique, autrement dit les facultés cognitives humaines, actionnée par des tensions émotionnelles détermine à la fois le sentiment d’identité, les valeurs morales, les addictions appétitives qui « entropisent » l’économie moderne aussi bien que la cohésion intra-communautaire et les oppositions inter-communautaires. L’essai propose une plongée dans ces différentes sphères essentielles de la conscience individuelle et collective qui président au fonctionnement de la vie sociale partout sur la planète, et qui à ce titre doivent être définies, par pragmatisme, comme le fondement réel d’un ordre universel matérialiste, naturel et concret. Certains consensus vitaux pour le futur de l’humanité, comme notamment la sauvegarde de la paix et l’équilibre de la biosphère, passent par la compréhension profonde à la fois de la consubstantialité et de l’équilibre entre pulsions et Raison dont on perçoit toute l'importance sur le terrain sociale où les émotions collectives sous-jacentes peuvent mener soit à l’ataraxie soit à l’anomie. Plutôt que la stigmatisation stérile des comportements pulsionnels qui ne fait que renforcer les ressentiments et l’entre-soi communautaire, il s’agit plutôt de les décoder pour mieux les intégrer en tant que phénomènes nécessaires au renouvellement d’une essence du Politique naturalisée qui aurait pris du recul avec les abstractions de l’universalisme.